Le Canada et ses diasporas ciblent le continent
Le Canada ne souhaite pas louper le train en marche. Et le développement des relations business entre le continent africain et le Canada fait partie des priorités de la politique économique extérieure du Canada. La preuve en est avec la tournée continentale réalisée l’an dernier par Justin Trudeau, le Premier ministre canadien. Si Ottawa souhaite (rattraper son retard?) construire des relations pérennes, il devra forcément compter sur ces diasporas très actives.
Le Canada fait les yeux doux au continent africain. Cet intérêt, certes récent d’Ottawa, est d’autant plus visible si on en croît ces quelques chiffres. Selon Statistique Canada, les investissements directs canadiens en Afrique s’élevaient à 7,19 milliards de dollars en 2020. Ce sont principalement dans le secteur des matières premières que les investisseurs du pays de l’Erable sont les plus actifs. Il faut dire que le Canada possède théoriquement une force de frappe que beaucoup d’autres pays lui enverraient. Selon les statistiques nationales, plus d’un million d’habitants seraient des afro-canadiens selon les statistiques officielles. De plus, le Canada possède deux chambres de commerce actives. L’African Canada Business Chamber basé en Ontario et la Chambre de Commerce Afrique-Québec, la province majoritairement francophone du Canada. Gaetan Komguem et Armand Ngaketcha, à la tête de la structure, reconnaissent cependant que le chemin reste encore long à parcourir : “Notre vision comporte l’instauration d’une structure d’incubation pour les startups et pour l’innovation. Nous souhaitons également mettre en place des vecteurs d’échanges économiques entre le Québec et le reste de la francophonie”, indique Gaetan Komguem – également fondateur de la startup Pharmakomkorp qui permet le financement des soins de santé entre la diaspora et les proches restés au pays. Il faut dire qu’ils ne relâchent pas leurs efforts pour développer encore davantage les réseaux diplomatiques et économiques entre le Canada (plus particulièrement le Québec) et le continent africain en appelant à un déploiement encore plus massif des missions des délégations générales du Québec en Afrique. A l’instar de Luc-Normand Tellier, célèbre universitaire qui dans un récent papier publié chez nos confrères Du Devoir regrettait que la délégation générale du Québec n’installe pas un bureau permanent à Kigali alors qu’Ottawa envisage d’y implanter une ambassade permanente. Cette dualité entre les structures canadiennes confère ainsi aux businessmen (women) canadiens une véritable capacité à agir sur tous les fronts tant au niveau provincial que fédéral.
Les entreprises canadiennes reviennent en force
C’est dans le secteur minier qu’on les retrouve principalement. IAM Gold, Franco-Nevada, First Quantum, McGill et tant d’autres se disputent les marchés principalement en Afrique Australe mais également au Burkina Faso. Ouagadougou étant placé dans la liste des pays émergents malgré les instabilités chroniques dont souffre le pays de Thomas Sankara. L’activisme d’Ottawa s’est même matérialisé par la signature d’accords économiques avec le Burkina Faso dont la présidence était assurée par Roch Marc Christian Kaboré. C’est toujours dans cette logique qu’Ottawa a encore mis en place un fonds spécial pour l’entrepreneuriat dont les tickets sont compris entre 25 000 et 100 000 CAD (dollars canadiens) pour cette année. “C’est aussi une stratégie pour permettre au Canada de sourcer et identifier un réseau de PME sur lequel les grandes ONG et entreprises canadiennes peuvent s’appuyer pour développer des relations business pérennes”, assure-t-on au sein d’Affaire Canada Mondiales qui finance en grande partie ce projet. “L’objectif étant prioritairement de cibler l’entrepreneuriat féminin en leur donnant les codes et l’accès aux clients canadiens afin qu’elles développent leurs affaires avec eux également”, assure-t-on au sein de la direction Afrique de cette structure qui a lancé ce programme dans 24 pays dont le Burkina Faso avec un focus sur l’innovation.
La diaspora africaine au Canada
Bien que le Canada n’ait pas de passé historique avec le continent africain, la destination Ottawa ou Montréal fait rêver de nombreux universitaires africains. A Abidjan, plusieurs entreprises de consulting partout dans Cocody avec ces banderoles à Angret en face de la pharmacie de la 8ème tranche qui appellent les étudiants à envoyer leur dossier pour des inscriptions dans les universités canadiennes. Un marché très juteux. “Chaque dossier coûte 900 000 FCFA”, indique Rémi Kouame Oussou qui s’est spécialisé dans l’intégration d’étudiants ivoiriens en Amérique du Nord (USA et Canada). Au total, ce sont près d’une dizaine de jeunes qui ont trouvé leur place dans les universités canadiennes grâce à son service. De leur côté, les autorités canadiennes voient d’un bon œil cet arrivée massif d’Africains notamment de francophones. Dans le Manitoba, les autorités locales sont très heureuses de les accueillir avec l’objectif de sécuriser le Français grandement menacé par l’omniprésence de la langue française. “L’objectif, à moyen terme, est aussi qu’ils puissent retourner dans leur pays ou faire la navette pour permettre aux entreprises du Manitoba de trouver des marchés dans ces territoires”, affirme-t-on sans ambages du côté des cercles d’affaires du Manitoba. Il faut dire que ce sont principalement des étudiants avec des profils dans l’ingénierie ou dans le commerce qui sont plébiscités. Pour Amina Gerba, ancienne directrice du cabinet Afrique Expansion devenue Sénatrice indépendante à Montréal sous la recommandation de Justin Trudeau : “le Canada et l’Afrique ont beaucoup de choses en commun. Le Canada a besoin de l’Afrique autant que l’Afrique a besoin du Canada”. Une romance est-elle réellement possible alors même que les échanges économiques entre le continent africain et le Canada ne représenterait que 2% des exportations canadiennes selon les statistiques officielles ? Seul l’avenir nous le dira mais le combat mérite d’être mené.