Corridors Logistiques 2.0 : La Renaissance Commerciale de l’Afrique, Tissée par Nos Routes

Nous, Africains, devons siffler la mi-temps, décrypter nos failles et tracer des corridors logistiques qui nous rassemblent. L’Afrique est à un tournant décisif. Notre continent doit dynamiser son commerce , non pour singer l’Occident ou l’Asie, mais pour asseoir sa souveraineté alimentaire, économique, militaire et culturelle. La Côte d’Ivoire peut montrer la voie . Imiter aveuglément, c’est s’égarer. Nous devons jouer notre match avec clairvoyance. Comme une équipe de 54 nations et sa diaspora pour métamorphoser nos routes, ports ainsi que nos marchés en corridors logistiques 2.0, enracinés dans nos réalités. À l’image des commerçants ivoiriens qui relient les marchés d’Abidjan à ceux de Bouaké, nous devons bâtir notre avenir avec nos caractéristiques.
Une logistique à notre mesure
Notre continent ne triomphera pas en suivant les règles des autres. Comme je le répète dans mes ouvrages, nous devons nous adapter, non se conformer. Nos 54 nations forment une équipe, mais trop souvent, nous jouons sans stratégie unifiée.
Selon un rapport de l’Union africaine, le commerce intra-africain stagne autour de 15 % des échanges totaux, loin des 60 % en Asie et des 70 % en Europe. Sans routes fiables, ports modernes et vision partagée, nos richesses restent inexploitées.
Prenons l’exemple des transporteurs du corridor Abidjan-Bamako : malgré des routes cabossées, ils continuent d’acheminer cacao, karité et produits maraîchers. Leur savoir-faire défie les intempéries, comme l’a montré l’étude du Professeur Kouamé. Mais ce savoir est convoité : des firmes étrangères l’analysent, le brevettent, tandis que nous peinons à le valoriser. Cette expertise est notre or, mais sans protection ni organisation, elle nous échappe.
Nos corridors sont un réseau en devenir, un écheveau de marchés interconnectés, comme le montrent les foires commerciales d’Abidjan, de Yamoussoukro et d’Accra. Koffi Assamoi, logisticien et président de l’Association des Transporteurs d’Abidjan, milite pour des infrastructures adaptées.
La Banque mondiale souligne que les exportations intra-africaines ont atteint 100 milliards de dollars en 2023. Cependant, elles sont entravées par des goulets d’étranglements logistiques. Nous devons nous préparer : formation, équipements, coordination — pour transformer nos faiblesses en atouts, comme une équipe qui ajuste son jeu à la pause.
L’Afrique face à la compétition mondiale
Le cacao en est un exemple criant : premier producteur mondial, l’Afrique ne pèse que 3 % de la consommation mondiale en chocolat ; nous devons nous delester de nos récoltes rapidement, sous peine de pertes. Les acheteurs exploitent cette réalité pour imposer les prix, quantités et qualités, indexés en bourse.
Selon la Commission économique pour l’Afrique, 70 % des biens consommés en Afrique viennent de l’extérieur. Nous produisons pour d’autres, et consommons ce qu’ils veulent bien nous vendre.
L’autonomie comme bouclier
Être souverain, c’est d’abord être autonome. Consommer ce que nous produisons. Être capables de nourrir, soigner, équiper nos peuples sans dépendre des autres.
La pandémie de la COVID-19 nous a donné une leçon mémorable : quand les flux maritimes mondiaux se sont arrêtés, certains espéraient que la Chine s’effondre. Mais Pékin a résisté : son marché intérieur, fort de 1,4 milliard d’habitants et d’une production alignée sur la demande locale, a absorbé le choc.
Nous devons bâtir la même résilience. Produire pour nous-mêmes d’abord, exporter le surplus ensuite. Ne plus dépendre d’un commerce extérieur pesant et imprévisible.
La leçon chinoise pour l’Afrique
En 1949, la Chine ne comptait que 22 000 km de lignes ferroviaires, mal entretenues et sans électrifications. Aujourd’hui, l’Empire du Milieu dispose de 162 000 km de réseaux, dont 45 000 km de lignes à grande vitesse. Son objectif est clair : 60 000 km d’ici 2030. À cela s’ajoute plus de 5,4 millions de kilomètres de routes et un parc automobile dépassant les 40 millions de véhicules.
En conséquence: chaque ville chinoise est reliée en quelques heures aux grands marchés, garantissant la fluidité des échanges et la sécurité d’approvisionnements.
En comparaison: l’Afrique est trois fois plus vaste que la Chine, mais moins densément peuplée (43 hab/km² contre 138 en Chine). Cela rend les infrastructures plus coûteuses. Mais la stratégie est simple: connecter nos grandes mégapoles — souvent nos capitales économiques — par des corridors modernes, comme Pékin l’a fait.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) souligne que la Chine a investi 200 milliards de dollars dans ses infrastructures entre 2010 et 2020. Ces choix expliquent pourquoi elle a transité du statut d’économie pauvre à celui d’« usine du monde ».
Nous devons nous en inspirer: pas la copier, mais l’adapter. Faire de nos routes, rails et ports un réseau intégré qui soutient d’abord le commerce intra-africain, avant de se confronter au marché mondial.
Vers une Afrique souveraine et rayonnante
Sans organisation, pas de liberté. Notre créativité est un moteur, mais elle doit être canalisée. Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 85 % des emplois en Afrique relèvent de l’économie informelle. Ce réservoir, vital mais fragile, doit être structuré pour devenir une logistique 2.0, durable et performante.
Chaque ville doit devenir un nœud d’un réseau économique où agriculture, commerce et industrie s’alimentent mutuellement. Les transporteurs reliant Abidjan à Bamako, par leur agilité, montrent la voie: une logistique qui réduit les coûts, affronte les obstacles et célèbre notre patrimoine.
En valorisant nos savoirs — comme ceux recensés par Koffi Assamoi — et en investissant dans l’énergie (abondante chez nous) et les infrastructures, nous pouvons tisser des corridors ancrés dans nos terres.
Le rêve d’une Afrique qui produit, échange et exporte ses richesses, portée par ses commerçants et ses communautés, est à portée de main. Comme une équipe affûtée, jouons collectif, protégeons nos talents et visons la victoire pour tendre vers une renaissance commerciale, fièrement africaine, qui illuminera le monde.
À Paris, le Lundi 1er Septembre
Patrice Nziansè POGNON
Auteur des « Petits Manuels Africains de Guerre Économique –
Tome 2&3 : Comprendre la Chine en Afrique »
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