Yves Brahima Koné : Le visage du cacao ivoirien à l’épreuve du temps

En Côte d’Ivoire, pays du cacao par excellence, Yves Brahima Koné est bien plus qu’un nom : il est une figure centrale de la filière qui fait battre le cœur économique de la nation. À 73 ans, cet agronome chevronné, directeur général du Conseil du Café-Cacao (CCC) depuis août 2017, porte sur ses épaules la lourde responsabilité de gérer un secteur représentant 40 % de la production mondiale de cacao et des millions de vies ivoiriennes.
Un parcours ancré dans le terroir et la politique
Né dans une Côte d’Ivoire encore façonnée par Félix Houphouët-Boigny, Yves Brahima Koné a tracé sa voie dès les années 1970. Diplômé en agronomie et formé au Centre d’études financières économiques et bancaires (Cefeb) à Paris, il allie savoir technique et vision stratégique. Son CV impressionne : président de la Société des Transports Abidjanais (Sotra), directeur général de la société « Produits de cacao de Côte d’Ivoire » (Procaci), puis député de Sinematiali sous la bannière du RDR (2011-2016), où il préside la commission économique et financière.
Proche d’Alassane Ouattara et d’Amadou Gon Coulibaly, Koné joue un rôle clé en 2010 dans l’élaboration du programme cacao du président actuel. Cette fidélité au Rassemblement des Républicains (RDR) et son expertise le propulsent en 2017 à la tête du CCC, en remplacement de Massandjé Touré-Litsé, dans un contexte de crise après une chute brutale des cours mondiaux.
Le gardien d’une filière sous tension
À son arrivée, le CCC est secoué par des pertes estimées à plus de 300 milliards de FCFA en 2017, dues à une mauvaise gestion des stocks et à la surproduction. Yves Brahima Koné impose alors une rigueur nouvelle : sécurisation des flux, contrôle renforcé et stabilisation de la production autour de 2 millions de tonnes par an, comme exigé par le gouvernement. Sous son égide, la Côte d’Ivoire s’allie au Ghana pour créer le Différentiel de Revenu Décent (DRD) en 2019, une mesure visant à garantir un prix plancher aux planteurs.
Mais les défis ne manquent pas. Entre la volatilité des marchés, les tensions avec les exportateurs et les aléas climatiques, Koné doit jongler avec des crises récurrentes. En 2023, la filière fait face à un nouveau coup dur lorsque des exportateurs peinent à s’approvisionner en fèves, ravivant les souvenirs de la crise ayant emporté sa prédécesseure. Pourtant, il tient bon, soutenu par la confiance d’Alassane Ouattara, qui lui confie en 2024 la gestion du Conseil du Coton en plus de ses fonctions.
Un homme d’équilibre et de distinctions
Décrit par ses pairs comme un travailleur acharné, Yves Brahima Koné incarne un pont entre les attentes des paysans, les exigences des multinationales et les ambitions de l’État. Officier de l’Ordre National et Commandeur de l’Ordre du Mérite Agricole, il est marié à Aïssata Fanny Koné, notaire, et mène une vie personnelle discrète malgré un rôle public sous les projecteurs.
À 73 ans, celui que certains appellent « le patron du cacao » reste au cœur des débats sur l’avenir de la filière. Entre critiques sur la transparence du CCC et espoirs d’une meilleure redistribution des richesses, Yves Brahima Koné continue de naviguer dans un secteur vital pour la Côte d’Ivoire, avec pour mission de concilier tradition, modernité et justice pour les planteurs.
Mérimé Wilson