Tidjane Thiam : De la Finance Mondiale à l’Arène Politique Ivoirienne

Tidjane Thiam, figure éminente du monde des affaires devenu acteur politique en Côte d’Ivoire, incarne une trajectoire rare, mêlant une carrière internationale dans la finance à une ambition naissante sur la scène politique africaine. Né le 29 juillet 1962 à Abidjan, ce Ivoirien a marqué les esprits par son passage à la tête de grandes institutions financières avant de se tourner vers la présidence du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), avec en ligne de mire l’élection présidentielle de 2025.
Thiam a gravi les échelons dans le secteur privé avec une rapidité remarquable. Diplômé de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris, il débute sa carrière chez McKinsey & Company, où il affine ses compétences en stratégie. En 1994, il retourne en Côte d’Ivoire pour occuper le poste de directeur général du Bureau National d’Études Techniques et de Développement, avant de devenir ministre du Plan et du Développement sous la présidence d’Henri Konan Bédié. Cette expérience s’achève abruptement en 1999 avec le coup d’État qui renverse Bédié, poussant Thiam à quitter le pays.
De retour en Europe, il rejoint le groupe d’assurance britannique Prudential en 2002, dont il prend la direction en 2009, devenant le premier PDG noir d’une entreprise du FTSE 100. Sous sa houlette, Prudential renforce sa présence en Asie, un marché clé, et voit sa valorisation croître. En 2015, Thiam est recruté par Credit Suisse pour redresser la banque suisse, alors en difficulté. Son mandat, marqué par une restructuration ambitieuse visant à recentrer l’établissement sur la gestion de fortune, est toutefois entaché par une série de scandales, notamment une affaire d’espionnage impliquant un cadre dirigeant en 2019. Thiam démissionne en février 2020, laissant derrière lui un bilan contrasté : une banque stabilisée financièrement mais fragilisée par des controverses.
Après son départ de Credit Suisse, Thiam maintient un profil discret dans les affaires, occupant des postes au conseil d’administration de Kering et s’impliquant dans une SPAC (société d’acquisition à vocation spécifique) fusionnée avec Complete Solaria en 2022. Cependant, c’est son retour en Côte d’Ivoire qui attire l’attention. En décembre 2023, il est élu président du PDCI, principal parti d’opposition, avec 96,5 % des voix lors d’un congrès extraordinaire. Ce succès le positionne comme un potentiel candidat pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, bien que des tensions internes au parti subsistent, notamment avec la candidature rivale de Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce.
Pour se conformer aux exigences légales ivoiriennes, qui interdisent la double nationalité aux candidats à la présidence, Thiam annonce en février 2025 renoncer à sa citoyenneté française, un geste symbolique soulignant son engagement envers son pays natal. Issu d’une famille influente – son grand-oncle Félix Houphouët-Boigny fut le premier président de la Côte d’Ivoire indépendante –, il bénéficie d’un ancrage historique, mais son long exil à l’étranger soulève des questions sur sa proximité avec les réalités locales.
À 62 ans, Thiam apporte une expérience internationale et une stature de dirigeant éprouvé à une scène politique ivoirienne souvent marquée par des luttes de pouvoir. Ses partisans louent sa capacité à gérer des crises complexes, tandis que ses détracteurs pointent son passé chez Crédit Suisse comme un handicap potentiel. À l’approche de 2025, son parcours illustre une transition peu commune : celle d’un homme d’affaires global vers un leader politique en quête d’un nouvel héritage.
Mérimé Wilson