PwC et EY s’en vont. Deux géants de l’audit et du conseil se retirent progressivement d’Afrique de l’Ouest francophone, laissant derrière eux un marché estimé à près d’un milliard de dollars. Leur départ, effectif d’ici 2026, met fin à des décennies de domination des Big Four dans des économies en forte croissance comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Mais pour les cabinets de taille intermédiaire, c’est une ouverture inédite.
Un vide lucratif
PwC a annoncé en décembre 2023 son retrait de neuf pays francophones d’Afrique subsaharienne, dont Abidjan et Dakar. EY lui a emboîté le pas quelques mois plus tard. Les raisons : rentabilité insuffisante, contraintes réglementaires et risques opérationnels. Résultat : un portefeuille de clients multinationaux, de banques et d’organismes publics se retrouve sans interlocuteur « global brand ».
Pour combler ce vide, cinq acteurs se positionnent : PKF Francophone West Africa, Forvis Mazars, BDO Francophone West Africa, Grant Thornton Sénégal et Exco Afrique. Tous misent sur un mix : appartenance à un réseau international, proximité culturelle et expertise sectorielle.
PKF Francophone West Africa
Basé à Abidjan, PKF FWA appartient à PKF International, réseau classé dans le top 10 mondial avec plus de 6 milliards USD de revenus et 45 000 employés. Créé en 1971 en Côte d’Ivoire, le cabinet couvre déjà l’UEMOA et vise une expansion accélérée. Ses équipes bilingues travaillent sur des mandats financés par la Banque mondiale ou la BAD. Atout clé : un ancrage local fort combiné à la méthodologie internationale PKF.
Forvis Mazars
La fusion de Mazars et de l’américain FORVIS en 2024 a créé un acteur global de 5,2 milliards USD de revenus annuels. En Afrique, le groupe revendique 2 900 professionnels dans 26 pays. Sponsor de l’Africa CEO Forum en 2025, Forvis Mazars s’affiche comme l’héritier naturel des Big Four dans la région, avec un portefeuille couvrant audit, fiscalité, conseil et comptabilité.
BDO Francophone West Africa
Présent en Côte d’Ivoire, Niger et Togo, BDO FWA bénéficie de la puissance d’un réseau mondial de 119 600 collaborateurs dans 166 pays. En 2024, BDO a franchi la barre des 15 milliards USD de revenus (+7 % sur un an). La filiale régionale se spécialise dans l’IT et le conseil opérationnel. Pour les multinationales cherchant une continuité après PwC/EY, BDO offre la taille critique et la stabilité.
Grant Thornton Sénégal
Avec 76 000 collaborateurs dans 156 marchés et 8 milliards USD de revenus mondiaux en 2024, Grant Thornton mise sur une stratégie ciblée : les fintechs ouest-africaines. À Dakar, le cabinet a lancé en 2025 une FinTech Advisory Practice couvrant gouvernance, M&A, due diligence et conformité réglementaire. Objectif : capter l’essor des start-up financières soutenues par les investisseurs internationaux.
Exco Afrique (réseau Kreston)
Exco Afrique, affilié à Kreston International et Exco France, est l’un des plus anciens acteurs du conseil francophone sur le continent. Né à Niamey en 1958, il couvre 13 pays d’Afrique de l’Ouest et du Nord. Ses équipes auditent des banques comme Ecobank Niger et participent à des projets financés par la Banque mondiale et USAID. Sa proximité culturelle et sa connaissance des marchés en font un partenaire apprécié des institutions régionales.
Le défi de la crédibilité
Ces cinq acteurs partagent une double force : réseaux mondiaux et compréhension locale. Mais le défi reste de taille. Les Big Four imposaient des standards stricts en matière de conformité, de qualité et de digitalisation. Pour capter durablement les clients laissés vacants, les nouveaux entrants devront investir dans la formation, l’audit assisté par IA et l’attraction de talents.
Perspectives
À l’horizon 2026, le paysage du conseil en Afrique de l’Ouest francophone pourrait être méconnaissable. Le départ de PwC et EY ouvre la voie à une recomposition où les acteurs intermédiaires peuvent devenir les nouvelles références. Si PKF, Mazars, BDO, Grant Thornton et Exco réussissent leur pari, la domination sans partage des Big Four appartiendra au passé — et le conseil en Afrique francophone entrera dans une nouvelle ère, plus diversifiée et plus enracinée localement.
Mérimé Wilson